La Confession du Wargameur Incompétent

Il existe énormément de règles, toutes diverses, variées, reflétant des conceptions différentes (ou parfois éhontément pompées les unes sur les autres). Il en existe une telle profusion qu'il est parfois bien difficile de faire un choix parmi elles. Heureusement, la période antique-médiévale nous offre une grande chance, une occasion unique, c'est celle d'utiliser un soclage quasiment unique pour toutes les règles. C'est bien sûr le soclage de la 7ème de WRG. Parmi les règles qu'on peut jouer avec ce soclage : DBA, DBM, DSC, Armati, Strategos. Mais encore Warhammer Ancient battle (paraît-il), Ancient Warfare et Medieval Warfare, Conquerors and Kings, Vis Bellica, Mayhem Warrior Kings, Hoplon, DBR (idéal pour le 15ème siècle), etc., etc.

Comment résister à ces tentations multiples ? Car il est autrement plus facile d'apprendre une règle que de peindre une nouvele armée. C'est plus rapide. C'est aussi moins cher. Pour varier les plaisirs, au sein d'une même période, il est plus intéressant en termes de plaisir ludique de varier les armées ET les règles que simplement les armées. C'est une simple question de mathématiques :

La progression est arithmétique pour les infortunés joueurs mono-règles, géométrique pour les éclectiques : Et pour ceux qui voient grand Et aussi, jouer à plus de règles permet de rencontrer plus de populations de joueurs, d'aborder plus de types de jeux différents, de rencontrer plus de tordus comme soi qui jouent encore aux petits soldats à leur âge, et qui - pire - passent des heures et des heures à les peindre.

Evidemment une telle dispersion, si on l'adopte, implique qu'on ne sera pas forcément très bon dans toutes les règles. Difficile, en effet, de maîtriser à la fois les subtilités millimétriques du départ en colonne à 90 degrés de DBM, de retenir les différents cas de recul à travers des troupes amies à DBA, ou d'assimiler complètement la différence entre désordre et désorganisation à DSC. Mais une certain médiocrité dans les règles n'a rien de répréhensible en soi. Il ne faut pas se laisser aveugler par le glissement de sens des mots "bon" ou "mauvais". Ce n'est pas parce qu'on est un bon joueur qu'on est un homme bon et on peut être un joueur mauvais sans être une personne mauvaise. L'essentiel est d'assumer son état, et c'est l'objet de cette confession.

D'autant que, historiquement, les généraux même chevronnés étaient la plupart du temps mauvais eux-mêmes, selon les critères en cours dans le monde du wargame. Ils avaient bénéficié d'une formation théorique, et avaient servi, quand ils avaient de la chance, comme officiers subalternes dans une poignée de batailles. Au mieux ils avaient commandé une armée dans quelques campagnes, et encore moins de batailles rangées. En comparaison, un wargameur peut jouer jusqu'à 50 ou 100 parties par an sur une règle, essayer de nouvelles tactiques non documentées dans les ouvrages de stratégie, et cela sans craindre de conséquence négative en cas de défaite (comme la décapitation par exemple). (Sans compter que les wargameurs disposent sur leurs forces et celles de leurs adversaires, et sur la situation à tout instant, de renseignements infiniment plus fiables que n'en a jamais eu un général réel. Et surtout, les joueurs connaissent les règles du jeu !).

D'ailleurs, combien de scénarios, une fois mis sur la table, nous semblent inreproduisibles dans la réalité. C'est oublier que les généraux réels ont un niveau de débutant selon nos critères de joueurs et sont à même de commettre des erreurs de débutants. Il ne faut donc pas reprocher à la règle une quelconque ahistoricité mais aux joueurs un trop grand "professionalisme". Bien souvent, sur une règle donnée, les parties de débutants ressemblent à des batailles réelles : on s'acharne sur une position, on lance de grandes charges sans espoir, on se fait encercler stupidement. Inversement, les finales de tournois ne ressemblent souvent à rien de connu sur terre, avec de bizarres fronts renversés et des armées entières attendant des heures une infime erreur de l'adversaire pour charger.

D'où cette confession. Nous jouons à plusieurs règles. Nous sommes joueur médiocre dans la plupart. Eh bien ça ne nous empêche pas de nous amuser ! Mieux encore : nous faisons des parties plus historiques que les "bons" joueurs. N'est-ce pas merveilleux ?

Evidemment se faire battre souvent (tout spécialement quand on "initie" quelqu'un à une nouvelle règle) demande un minimum de zen dans l'âme. Et une quantité minime de victormones, les hormones de la victoire, qui poussent certains joueurs aux pires extrémités.

Ca veut dire aussi que nous ne jouons pas pour gagner un tournoi, ni deux places dans le classement ultime du Mister Wargameur Univers.

Et que nous méprisons profondément ceux qui se gargarisent de nous battre avec un arsenal issu d'une longue analyse des failles et couilles involontaires d'une règle donnée. Peuh !

Et ceux aussi qui nous regardent avec commisération quand nous nous inscrivons à un tournoi avec l'armée non optimisée des Freedoniens Précoces, celle qui part en déroute dès qu'un tirailleur perdu au coin d'un bois rate son test de moral.

Et aussi les ignorants qui estiment que leur règle est la meilleure alors même qu'ils n'en ont jamais essayé d'autres. Et les intolérants qui confondent wargame et religion, adhèrent à une chapelle et vouent aux gémonies ceux qui (comme eux jouent encore aux petits soldats) ne jouent pas à la bonne règle. Honte sur eux !

Cette confession s'étant transformée à notre insu en manifeste, nous proposons à tous les joueurs qui partagent ce point de vue (et nous savons qu'il en existe) de nous réunir. Pour nous reconnaître, nous porterons un signe distinctif lors des conventions. Pourquoi pas un bonnet d'âne ?

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Généré le 7 juillet 2004 par psilet 1.4