Article aimablement proposé par Stéphane Theillaumas.
Introduction
Les nains avant Tolkien
Les nains chez tolkien
Les nains après Tolkien
Bibliographie
Notes
Introduction
Aujourd'hui les nains revêtent une connotation particulière dans l'imaginaire
des joueurs de jeux de simulation, que ce soit dans le domaine des jeux de
bataille à figurines ou dans le milieu du jeu de rôle. Ceci est du à l'impact
des écrits de Tolkien sur l'imaginaire collectif, partiellement repris par Gary
Gigax lors de son élaboration des premières règles de Donjons & Dragons. Cette
invention entraîna une déferlante dans l'imaginaire collectif qui forgea une
idée relativement précise et œcuménique à travers tout l'occident moderne (il en
a été de même pour les elfes). Il est donc judicieux de procéder à une
distinction entre avant et après Tolkien. Néanmoins, ce dernier n'a pas inventé
les nains (ni les elfes, mais les orcs sont le fruit de son imagination
(1)). Ces derniers sont présents dans de nombreuses légendes
européennes où la notion de nains recouvre parfois plusieurs aspects bien
différents selon les régions.
Nous allons tâcher d'établir un panorama sommaire des différents aspects
couverts par cette notion de "NAINS".
Les nains avant Tolkien
La notion de nains est profondément ancrée dans les légendes anciennes de
toute l'Europe. On en trouve la trace dans toutes les régions d'Europe.
Cependant, l'influence du Christianisme a nivelé ou modifié ça et là les
croyances en la présence du petit peuple. Ainsi, certaines légendes d'antan ont
été "détournées" par l'Eglise Chrétienne au point de ne plus faire apparaître
leurs fondements animistes et païens (exemple notoire de la fête de Noël).
L'abandon ou la mise à l'écart de ces légendes ne s'est pas effectué à la même
vitesse dans toutes les régions européennes. Dans les régions les plus reculées,
moins sujettes au melting-pot, les traces de ces légendes ont perduré. Il s'agit
principalement des régions insulaires ou maritimes de l'Europe du Nord (Iles
britanniques, particulièrement le pays de Galles et l'Irlande, la Bretagne
française, certaines régions scandinaves, surtout la Norvège) mais également les
provinces pauvres et reculées (comme la Franconie allemande, les Carpates et les
côtes pauvres de la grande plaine du nord ainsi que des régions plus
méridionales mais tout aussi dénuées d'intérêts économiques, comme la Galice
espagnole ou le sud du massif central en France et quelques régions des Balkans
yougoslaves ou grecques).
Au demeurant, ce recul relatif de ces régions a permis à ces légendes
d'atteindre le 19ème siècle par voie essentiellement orale. Certaines ont
également pu nous parvenir sous forme d'écrits retranscrits à des époques
variées par des auteurs plus ou moins connus, comme par exemple les légendes de
la Table rondes ou les formes remodelées comme certains contes des frères Grimm,
les lais de Marie de France ou d'autre légendes et contes, ou encore le fameux
Beowulf étudié par Tolkien, mais aussi l'Edda compilée au 12ème siècle par Snorri
Sturluson.
Dans la seconde moitié du 19ème siècle, des chercheurs occasionnels et
autodidactes remirent au goût du jour ces anciennes légendes (orales ou
écrites), certaines d'entre elles pouvant être judicieusement détournées au
profit de la Politique, comme ce fut le cas pour les Allemands à travers les
travaux de mise en scène de ces légendes par Wagner mettant ainsi la mode au
pays (les Irlando-Bretons font de même en gonflant leur culture d'apports
Germano-scandinaves remodelés à la mode "celte" afin de faire croire qu'ils sont
les descendants et les seuls héritiers de cette culture orale et animiste).
Bref, prises dans l'étau de la religion, et ayant subi les détournements
politiques, les légendes d'autrefois nous arrivent aujourd'hui quelque peu
tronquées. Elles ont souvent perdu de leur significations pour ne plus passer
que pour des histoires pour enfants. Or, les recherches en littératures montrent
de plus en plus qu'il n'en est rien et qu'il peut se cacher sous une apparente
frivolité et désinvolture de réelles composantes historiques et culturelles.
L'un de ceux qui favorisa cette vision différente de ces histoires n'est autre
que JRR Tolkien lui même qui, dans son traité des "contes de fée" (Faërie, ed
10/18)
(2),
ouvrit les portes de la recherche dans une direction nouvelle ; ce qui montre
bien que son importance dans le domaine de l'imaginaire n'est pas le fruit du
hasard.
D'une façon générale, ces textes ou ces récits "anciens", qui furent
probablement passablement retouchés au fil des âges, nous montrent toute une
ribambelle d'êtres petits plus ou moins mal-(bien)-veillants que l'on peut
englober sous l'appellation de "nains". Passons donc en revue ces différentes
catégories.
Les nains proprement dits (les petits) se démarquent difficilement des elfes
dans les légendes anciennes. Il faut attendre Tolkien pour voir apparaître une
démarcation nette entre les deux catégories
(3).
D'une façon générale, les nains et les elfes font partie des légendes anciennes
comme membres du " petit peuple ". Une sorte de population cachée aux yeux des
hommes dont certains individus leurs sont charitables et d'autre moins. Les
termes de nains et d'elfes, mais aussi de gobelins, de kobolds, de Gremlins, de
lutins, de korrils, de servans, de gnomes et bien d'autres encore, sont souvent
rattachés à la présence supposé d'un ou plusieurs êtres du petits peuples dans
une région donnée (les elfes et les gobelins sont présents dans les légendes
anglaises, les kobolds en Norvège, les Servans en Suisse, les gnomes en France
et en Allemagne où se trouve également les Nibelungen, etc.). Ils ont tous pour
point commun une petite taille variant de la hauteur d'un pouce à celle d'un
homme frappé de nanisme. Ils ont souvent des spécialités locales (comme les
korrigans qui font danser les gens en Bretagne ou les Gnomes qui sont des
forgerons émérites).
Au fils des évolutions historiques on peut regrouper l'ensemble de ces
petits êtres dans quatre grandes catégories qui reprennent la terminologie (d'un
point de vu français) de certains d'entre eux :
Il existe plusieurs familles de gnomes (ou nains) selon les régions
européennes. Mais de toutes, la Scandinavie a fourni, à travers le recueil de
l'Edda, un univers où ils jouent un rôle important qui influença celui créé par
Tolkien.
Les nains chez Tolkien
Le sujet est vaste et requiert une certaine érudition pour pouvoir
s'inscrire de manière efficace et orthodoxe dans le monde désormais impitoyable
des études sur Tolkien.
Néanmoins, l'influence des légendes scandinaves sur son œuvre n'est plus à
démontrer comme en témoignent les noms des nains de la Voluspa parmi lesquels on
trouve les nains qui vivent dans la terre : Nyi, Nidi, Nordri, Sudri, Austri,
Vestri, Althiof, Dvalin, Nar, Nain, Niping, Dain, Bifur, Bafur, Bombor, Nori,
Ori, Onar, Oin, Miodvitnir, Vig, Gandalf, Vindalf, Thorin, Fili, Kili, Fundin,
Vali, Thror, Throin, Thekk, Lit, Vitr, Nyr, Nyrad, Rekk et Radsvid ; et les
nains qui vivent dans les pierres : Draupnir, Dolgthvari, Haur, Hugstrari,
Hlediof, Gloin, Dori, Ori, Duf, Andvari, Heptifili, Har et Sviar sans parler de
ceux qui vivent dans les terrains boueux. (Cf. NAINS & GNOMES d'Edouard Brasey,
voir
bibliographie)
(5).
Mais si cet exemple est frappant il ne signifie par pour autant que Tolkien
se soit contenté de reprendre les traits de ces nains des légendes anciennes
scandinaves. Même si on retrouve chez lui la notion des 7 pères des nains
initiaux, cette source légendaire est suffisamment retravaillée par Tolkien pour
en faire une création propre
(6).
On ne peut nier, effectivement que Tolkien a réellement inventé et donné une
nouvelle dimension aux nains, puisqu'il les a dotés d'une vie sociale qui
souvent était absente des vieilles légendes où les nains vivaient en petit
comité familial (souvent deux frères ensemble). Tolkien semblait très attaché à
ces êtres et à ce peuple dont il avait su dans ses écrits niveler leur
méchanceté et l'ensemble de leurs défauts, tout en accentuant leur propension à
l'échange avec l'extérieur sans pour autant trahir le fondement du caractère des
Nains.
(7)
Il n'est pas particulièrement utile d'étudier les différences majeures
apportées par Tolkien dans son traitement des nains puisqu'il ne s'agit pas là
du sujet de l'intervention et que la plupart de ces traits sont repris tel quel
dans leur version post-tolkinienne.
(8)
Les nains après Tolkien
L'héritage de Tolkien nous laisse avec une vision des Nains assez particulière qui les démarque nettement des autres membre du petit peuple (elfes, lutins, gnomes etc...). Cette vision doit beaucoup au développement des jeux de rôles, et notamment au premier d'entre eux Donjons & Dragons. Ce dernier phénomène a permis de généraliser la présence des nains forgerons vivant en société, mais surtout de la diffuser dans un bagage collectif partagé par plusieurs générations de joueurs, qui bien souvent furent et sont des lecteurs de Science Fantasy. Voici donc une vision des nains post Tolkinienne :
Les Nains sont petits mais trapus. La plupart portent une longue barbe sur le modèle scandinave. Leur embonpoint est un attribut classique de la plupart d'entre eux, mais peu vont jusqu'à l'obésité.
Leur caractère est sombre et ils semblent peu enclins à l'épanchement des sentiments. L'amitié et le sens du devoir sont deux caractéristiques essentielles et couramment répandues dans la population naine. Extrêmement résistants, ce sont des opposants farouches à tous ceux qui convoitent les mêmes richesses qu'eux, comme les gobelins et surtout les dragons.
Leur aspect trapu est renforcé par l'important équipement qu'ils semblent porter en permanence. Des vêtements pour se prémunir du froid, des outils pour travailler et des armes pour se protéger ainsi qu'une quantité de sacs pour transporter leur ravitaillement et le fruit de leur travail.
Leurs femelles sont rares et ont souvent un aspect similaire aux mâles. La plupart des nains ne sont pas mariés. Certains d'entre eux se consacrent uniquement à leur métier et à leur travail. Ce sont des forgerons émérites pour qui tout ce qui est minéral n'a pas de secret. Ce sont les meilleurs travailleurs, aux talents uniquement surpassés par les meilleurs ouvriers Elfes (au sens Tolkinnien du terme).
La structure de la société naine semble bâtie sur un compromis tacite de tous ses membres qui confient à l'un d'entre eux le soin de les conduire. Cela se fait naturellement et sans opposition ni friction, en choisissant tacitement le nain de la branche aînée le plus vieux. Leur société semble être une communauté organisée autour de ce chef. Elle permet le travail à plusieurs, bien qu'en grande majorité les ouvriers nains semblent travailler seuls dans leur forge. Néanmoins, leur production est orientée de manière à subvenir à tous les besoins de la communauté. Il est probable que les nains exercent plusieurs activités dans une même période. Seuls les plus doués ont les moyens de devenir orfèvres ou forgerons. Les autres participent aux travaux de la mine et à l'extraction des matière première. Bien que, dans ce domaine, il soit probable que cette activité soit organisée au niveau de la communauté puis, une fois les quantités de métaux extraits suffisantes, chacun vaque à des occupations de transformation de la matière première ou de production alimentaire. Aucun jardin de nains n'a été décrit. Il sont probablement communautaires et certains d'entre eux peuvent être souterrains (production de champignons) mais pas la majorité. Pour preuve, leur goût de la bonne bière qu'ils fabriquent eux même. Soit à partir de céréales importées, soit à partir de leur propre production céréalière quand le climat et la région le permettent (ce qui est rare mais pas exceptionnel).
Les nains peuvent employer quelques poneys comme animaux de bat, mais ils
sont souvent condamnés à porter eux même leurs lourds chargements le long de
leurs chemins étroits et cachés. Les nains raffolent des secrets en tous genres
; aussi bien des secrets de familles que des caches pour les trésors et les
passages secrets, qui constituent la quintessence de leur art de transformation.
Ils vivent dans des grandes et profondes cavernes, souvent organisées à partir d'un grand hall d'entrée ou d'une salle principale dons le volume fait leur fierté mais également leur perte dans la mesure ou, ces salles et leurs couloirs sont suffisamment vastes pour permettre le passage d'un dragon. Le volume des cavités des cavernes creusées par les nains est l'expression de leur prestige mais également de leur vanité. Les petits corridors ainsi que les tunnels étroits sont réservés aux Gobelins et ne sont pas dignes d'un travailleur (artiste) Nain. Leurs constructions permettent une aération parfaite de leurs cavités, ainsi qu'une maîtrise tout aussi parfaite de l'humidité, du moins dans les parties habitables des cavernes. Ils peuvent même s'y murer et vivre indéfiniment à l'intérieur en cas d'attaque et de siège. Des plates formes extérieures discrètes sont souvent construites aux sommets de leurs montagnes, afin de disposer d'espaces libres pour y faire de la production légumière, ou pour récolter les eaux de pluie si le réseau de tunnels est insuffisant à fournir l'eau nécessaire. D'ailleurs, parfois, un réseaux de canalisations permet de drainer les infiltrations afin d'assécher la partie des cavernes destinée aux habitations et aux dortoirs.
Mais les nains sont surtout reconnus, de par le monde, pour leur production métallurgique, et plus particulièrement leur armement. Les armes et les armures des nains sont très renommées. La découverte et la maîtrise de la métallurgie du Mithril leur confère un avantage certain, y compris face aux Elfes (toujours au sens tolkinnien du terme).
Les Nains ont un profond esprit de sacrifice pour leur communauté et n'hésitent pas à se regrouper pour faire face aussi bien à une agression qu'à un simple affront. Leur atout majeur, outre leur armement, est la ténacité dans le combat et la solidarité de leurs membres au sein de leurs phalanges, qui se déplacent lentement mais inexorablement en avant droit vers l'ennemi. Les traits de ce dernier sont généralement inopérants sur les armures et les protections naines. En revanche, les Nains se retrouvent souvent pénalisés par leur faible taille, mais ce paramètre ne rentre pas en ligne de compte face à la majorité des Gobelins (ou orcs). Ce sont des spécialistes du combat au corps à corps. Ils sont capables de résister aux feu dans une certaine mesure. Parfois, la protection de leur armure leur permet de se passer de bouclier. Cela leur permet par conséquent de tenir à deux mains leur arme de prédilection ; à savoir la hache de guerre dont les plus grands guerriers possèdent des versions à double tranchant.
Les nains emploient une langue qui leur est propre et qui est particulièrement difficile à maîtriser pour un non-nain. En revanche, ils semblent assez habiles à maîtriser celles des autres peuples ; mais il est fortement probable qu'ils conservent néanmoins un profond accent caractéristique de leur langage rauque et ardu.
Les nains n'aiment aucune race, mais ne détestent pas celles qui ne cherchent pas à rivaliser avec eux pour le contrôle de trésors ou de territoires métallifères. Ils sont prompts au commerce et à l'échange dans la mesure où leur habitat ne leur permet pas de disposer de toutes les denrées qui leurs sont nécessaires. Surtout pour la confection du pain et de leurs boissons dont la bière semble être le constituant de base, quoi qu'ils ne semblent pas rechigner devant les alcools forts et les vins, seul moyens connus à se jour pour dérider un nain. Comme la plupart d'entre eux ont une réputation de convivialité et de gais lurons, on a vite fait d'en conclure qu'ils sont portés sur la boisson ce qu'aucune source n'a démenti jusqu'à présent.
Cette vison continue d'évoluer et subit des influences germano-médiévales comme l'ajout de la maîtrise de tout les arts du feu, ce qui implique les feux d'artifices mais également la maîtrise de la poudre à canon qui font des nains les premiers, sinon les uniques, artilleurs des mondes fantastiques modernes, amenant même avec eux une apparence et un habillement dignes des lansquenets allemands de la Renaissance. Cette vision des nains continue et continuera sûrement d'évoluer dans les années à venir (9).
Stéphane Theillaumas
Sur le sujet :
Ne pas manquer la page suivante :
http://www.chez.com/tolkienvf/essais/essnains.html
où le sujet est abordé d'une
position moins ludique. De nombreux détails sur les nains avant Tolkien s'y
trouvent.
Sur les nains avant Tolkien :
Une bonne synthèse dans NAINS & GNOMES d'Edouard Brasey, Collection
L'univers Féerique chez Pygmalion (09-1999). Une riche bibliographie sur le
domaine est présente en fin d'ouvrage. L'auteur présente également d'autres
recueils sur les autres peuples féeriques dans cette même collection (Fées &
Elfes, Dragons & Géants...)
Sur les nains chez Tolkien :
Quelques indications sommaires dans l'ouvrage de Vincent Ferré "SUR LES
RIVAGES DE LA TERRE DU MILIEU, aux édition Christian Bourgois (02-2001).
L'histoire du peuple de Durin se trouve dans l'appendice A du SEIGNEUR DES
ANNEAUX (4ème volume ou édition reliée complète) de Tolkien aux éditions
Christian Bourgois.
Sur les nains après Tolkien :
Les manuels de jeu de rôle DONJONS & DRAGONS ainsi que les manuels de jeux à
figurines que sont DEMONWORLD de chez Hobby product ou encore l'incontournable
WARHAMMER de chez Games Workshop. Sans oublier désormais, le site internet de
Denis Roussel, A LA RECHERCHE DU PSILÈTE PERDU.
(1)
Dans A Tolkien Compass, The Guide to the Names in The Lord of the Rings
édité par Jared Lobdell, Tolkien précise l'origine de certains des noms présents
dans Le Seigneur des Anneaux. Voici ce que dit Tolkien à l'entrée Orc page 171 :
Orc : This is supposed to be the Common Speech name of these creatures
at that time; it should therefore according to the system be translated into
English, or the language of translation. It was translated "goblin" in The
Hobbit, except in one place ; but this word, and other words of similar sense in
other European languages (as far as I know), are not really suitable. The orc in
The Lord of the Rings and The Silmarillion, though of course partly made out of
traditional features, is not really comparable in supposed origin, functions,
and relation to the Elves. In any case orc seemed to me, and seems, in sound a
good name for these creatures. It should be retained.
It should be spelt ork (so the Dutch Translation) in a Germanic language,
but I had used to spelling orc in so many places that I have hesitated change it
in the English text, though the adjective is necessarily spelt orkish. The Grey-
elven form is orch, plural yrch. I originally took the word from Old English orc
(Beowulf 112 orc-nass and the gloss orc = pyrs ("orgre"), heldeofol ("hell-
devil"). This is supposed not to be connected with modern English orc, ork a
name applied to various seabeasts of the dolphin order.
Cela doit nous éclairer sur l'origine du nom orc employé par Tolkien.
(2) JRR Tolkien, Faerie, édition 10/18. L'ouvrage est une compilation française de quatre textes de Tolkien ; trois nouvelles qui ne se déroulent pas dans l'univers d'Arda et de la Terre du Milieu ainsi qu'un exposé sur les contes de fée (Fairy-Stories), qui nous intéresse ici.
(3) Lors de l'élaboration de son univers de la Terre du
Milieu, Tolkien buta sur la terminologie à employer pour nommer les différents
peuples qui habitaient cette Terre. Il puisa dans la terminologie des légendes
anciennes et y sélectionna quelques termes qu'ils jugea passablement incorrects
mais qui pour lui avaient le mérite d'être les plus adaptés sinon les moins
impropres à employer. Voilà comment les termes de Nains et d'Elfes furent
préférés à d'autres comme Gnomes ou encore Gobelins, pourtant initialement
présents dans Bilbo le Hobbit mais qui fut transformé en Orc dans le Seigneur
des Anneaux.
Cette trace est désormais publiée dans les volumes de History of Middle
Earth dont seuls les deux premiers sont traduits en français, toujours aux
éditions Christian Bourgois sous le titre Le livre des contes perdus tome
1 et tome 2.
(4) On pourra remarquer que dans l'élaboration préalable de son univers onirique, Tolkien attribuait le terme de Gnomes aux entités qui formeront ultérieurement les Noldor dans la version quasi finale du Simarillion publiée par son fils. Cf History of Middle Earth, tome 1 et suivants.
(5) Le nom même de son monde est d'inspiration légendaire
comme en témoigne cette citation :
Carenter : Letters,p.239 (L183), Tolkien écrit:
"Middle-earth is not an imaginary world. The name is the modern form
(appearing in the 13th century and still in use) of midden-erd > middel-erd, an
ancient name for the oikoumenë, the abiding place of Men, the objectively real
world, in use specifically opposed to imaginary worlds (as Fairyland) or unseen
worlds (as Heaven or Hell). The theatre of my tale is this earth..."
Il précise plus loin à la p.283 (L211):
"the oikoumenë : middle because thought of vaguely as set amidst the
encircling Seas and (in the northern imagination) between ice of the North and
the fire of the South. O.English middan-geard, mediaeval E. midden-erd, middle-
erd..."
(6) La part de l'influence germanique sur la conception des nains chez Tolkien est très discutée. En effet, lorsqu'on a tenté de mettre en rapport son anneau et celui des Nibelungen de Siegfried, Tolkien se contentait de dire que le seul point commun entre ces deux artefacts était qu'ils étaient tous les deux ronds. Cela ne signifie par pour autant qu'il avait rejeté l'ensemble de l'influence germanique comme source d'inspiration. D'ailleurs, les Nibelungen de Siegfried reprennent partiellement le traitement des nains scandinaves et ont des points commun très marqués avec leurs voisins du Nord de l'Europe (Fraternité des nains, forgerons émérites, avares et roublards...). D'autres aspects (comme la lutte avec le dragon) mettent en relief des relations plus significatives entre les deux œuvres.
(7) Complément à la note
(3) :
les elfes subirent le même traitement Tolkinnien que les nains et se
retrouvèrent incarner une vision différente de ces êtres féeriques couramment
trouvés dans les légendes anciennes. Comme pour les nains, le traitement qu'en
fit Tolkien modifia considérablement l'imaginaire collectif sur le sujet. Les
elfes sont devenus des êtres généralement grands et sveltes, immortels et
puissants, profondément marqués par un destin et attachés à leur monde. Alors
que dans les légendes d'autrefois le terme d'elfe était souvent synonyme de
lutin ou de fée et correspondait généralement, mais pas exclusivement, à des
personnes de petite taille désinvoltes et espiègles : le père Noël est secondé
par des elfes pour son travail, par exemple.
On prête souvent à Lord Dunsany et à sa Fille du roi des Elfes, une
influence notable sur la vision de Tolkien de ses "Elfes".
(8) Néanmoins, voilà ce qu'en dit le Silmarillion :
Comme les Nains devaient naître à l'époque où Melkor faisait peser son
joug, Aulë leur avait donné une grande endurance. Ils sont donc durs comme le
roc, obstinés, prompts à l'amitié comme à l'hostilité, et ils
résistent mieux à
la peine, à la faim et à la souffrance que tous les êtres parlants. Et ils
vivent longtemps, plus que les humains, sans atteindre la vie éternelle.
(9) Si l'influence de Tolkien sur l'imaginaire collectif est indéniable, on peut cependant remarquer qu'il ne lui appartient plus pleinement, notamment à travers ses orcs par exemple. En effet, les orcs sont le fruit de son imagination. Ils sont décrits, entre autres, comme le regroupement de plusieurs races à la peau sombre ou basanée. Afin d'échapper aux accusations de xénophobie qui pouvaient leur être portées, les entreprises de jeux à figurines, au premier rang desquelles arrive Games Worshop et son célèbre Warhammer, colorièrent leurs orcs en vert, les transformant en véritables monstres, ce qu'ils n'étaient pas dans l'univers de Tolkien où ils représentent simplement les incapables sous influence et les esclaves de la volonté de Morgoth ou de Sauron. Ainsi, arrive-t-on à la situation absurde de voir certaines personnes attribuer par défaut cette couleur de peau irréaliste aux orcs de la Terre du Milieu. Cet exemple, montre à lui seul, l'influence du marché de la figurine, et plus généralement du jeu, sur l'imaginaire collectif.